dimanche 21 février 2010

Lost in Amazing Tokyo

"Une zone de silence au milieu du son, d'immobilité au centre du manège, dans un goût d'éternité que nous appelerons Japon. Ici, le temps est une rivière qui ne coule que la nuit." Chris Marker, Le dépays, 1982.

En feuilletant un des guides de Tristan sur Tokyo, je suis tombee par hasard sur cette magnifique phrase. Ca faisait seulement deux jours que je connaissais Tokyo, mais ca a agit comme une revelation: Oui Tokyo, c'est ca; c'est exactement ca. Laissez moi vous expliquer pourquoi.
Tokyo, c'est comme un film muet: c'est une ville en mouvement perpétuel, mais sans son. Le silence règne partout, les lieux peuvent être bondés, la sérénité plane. Implicitement, la culture est révélée. Dans le métro, impossible de croiser un regard, les gens semblent dans leur monde, peu préoccupés par la foule qui les entoure. On peut croire qu'ils sont fatigués, blasés...mais en réalité, cette attitude est un élément phare de la culture japonaise, comme j'ai pû le lire avec surprise dans mon livre Living Japanese style, (très sérieuse) rubrique how to be a model passenger (in the train): "Ne regardez pas les autres passagers. Fermez les yeux et reposez vous, ou encore, regardez les publicités"...et ils le font!


Tokyo c'est aussi le vrai vertige, la vraie sensation d'être perdu. Aucun nom de rue, aucun numéro...il faut connaître ou se fier à son intuition.

De plus, la communication n'est pas facile : il faut bien l'avouer, personne ne parle anglais, enfin plutôt peu de personnes souhaitent faire l'effort de le parler. Car les japonais apprennent tous l'anglais à l'école...mais c'est un peu la honte de céder à l'anglais. C'est comme quand on demande à un groupe de jeunes de nous aider concernant le chemin à prendre et à un moment un d'entres-eux esquive un "yes" qui génère une hilarité générale...
Pourquoi ce refus? Parce que ce serait rabaisser le japonais, et avec leur héritage. Et, il faut le savoir, les japonais ont une très haute estime de leurs origines, de leur culture; au point d'avoir pitié pour ceux qui n'ont pas eu la chance d'appartenir à cette civilisation.

Car s'ils sont véritablement très serviables avec les étrangers, cette attitude est en réalité le résultat d'un sentiment de compassion. Ils voient, en effet, quelque chose de tragique, d'irrémédiable dans le malheur de ne pas être né japonais, suscitant ainsi un sentiment de pitié.

Cette attitude est profondément ancrée en ce qu'elle trouve ses sources dans une croyance japonaise très répandue qui explique d'ailleurs l'incroyable fascination des japonais envers les chats. Il se trouve que cette compassion pour l'étranger dérive de celle qui est ressentie pour le chat; animal qui, dans la tradition bouddhiste, porte la faute d'être arrivé en retard à la mort de Buddha...sa misérable condition suscitant alors une inconditionnelle pitié de la part des japonais qui décident alors de l'ériger partout.

Tokyo c'est aussi la culture du manga, un vrai style littéraire pour les japonais.

C'est une place fondamentale attribuée à l'imaginaire, au rêve, qui s'exprime à travers deux univers totalement antagonistes: d'un côté l'univers "kawaÏ" - qui veut dire "mignon" en japonais - avec tous les "hello kitty" et compagnie;
et de l'autre, celui du combat avec les samouraÏs. Pour Chris Marker, cet imaginaire violent symboliserait la chute, la décadence vis-à-vis d'une croyance en la vie éternelle liée au culte que les japonais vouent à l'esprit. Paradoxalement, cette obsession pour le spirituel n'empêche pas les japonais d'être excessivement matérialistes.

Au delà de la richesse de la culture japonaise, j'ai adoré Tokyo, que je vous explique pourquoi.

Tokyo c'est d'abord retrouver Tristan, un ami du lycée, pas vu depuis 4 ans...C'est voir nos évolutions, se raconter nos vies et refaire le monde à trois dans un petit bar incroyable, le Red bar, autour de verres de baileys qui s'enchaînent; s'enchaînent, s'enchaînent...


C'est être accueillis par Tristan et sa copine d'Iris dans la petite chambre qu'ils louent dans une guesthouse qui regroupe des tas de nationalités.


C'est se ballader dans les temples de l'électronique, des mangas, des trucs-trop-chouettes-qui-servent-à-rien-et-que-tu-dois-acheter-par-cinquante. C'est aussi marcher sous la pluie en ballerines; s'emmitoufler dans son écharpe; se faire offrir par un vendeur de couteaux traditionnels (dans lequel on a rien acheté) LE parapluie trendy du Japon, à savoir le "parapluie transparent".


C'est aussi assister à une prière bouddhiste dans un vrai temple au milieu d'une forêt, et ressentir la plénitude qui se dégage d'un tel spectacle.

C'est aussi aller au Nezu Museum et se ballader dans son joli traditionnel jardin japonais.


Mais c'est encore passer une soirée unique avec des japonais au sous-sol d'un resto de sushis traditionnel; à en manger des tonnes autour d'une table basse et assis sur des tatamis; à tenter de dialoguer dans un brouhaha de confusion des langues, de verres de saké, de fous rires mémorables.
Les parents d'un des japonais se sont joins à notre table,

une fois que le père s'était bien rassasié de saké en compagnie du maître sushi à l'étage...Il est arrivé avec un zèbre en peluche dans les mains qui, lorsqu'on appuyait sur un bouton, se mettait à dormir, tout en ronflant...zèbre qu'il a activé 35 fois et, à qui il tenait, of course, à offrir une place de choix sur les photos!

L'hilarité était à son comble, lorsque le maître sushi, tout droit sorti de Dragonball Z (et avec la même ferveur), nous a rejoint...Bien que ne parlant pas un mot d'anglais, il était complétement excité et visiblement très content de nous avoir!!

Un moment unique.

S'ensuit un passage au Onsen, à savoir les bains publics japonais...pratique archi-courante. Ca ressemble aux hammams dans le sens où les hommes et les femmes sont séparés et l'eau est très chaude, mais c'est beaucoup plus codifié. Tout d'abord, une chose à savoir: il faut se mettre à nu, mais genre vraiment! Ici pas de serviettes, où on te regarde mal....même si j'ai quand même tenté de garder une mini-serviette qui me cachait ridiculeusement mal. J'y suis allée avec Iris, la copine de Tristan, et, heureusement, y'avait qu'une vieille femme dans la salle...tandis que chez les hommes, c'était bondé! Les japonais du resto sont allés avec les garçons, c'était donc une sorte de présentation assez originale! Ici, tu dois d'abord te diriger aux douches et te laver avant de pouvoir entrer dans les différents bains plus ou moins chauds...quand il fait -3 dehors, ça fait quand meme un bien fou!


Tokyo c'est aussi se lever à 4h du mat pour aller au marché aux poissons le plus grand du monde, celui d'où partent des tonnes de poissons autour du monde. C'est un vrai spectacle aussi bien visuel que sonore: les énormes thons sont étalés par terre et vendus aux enchères. Le maître des ventes hurle, le jour se lève...c'est fou comme ambiance. Les étalages s'enchaînent, les poissons sont découpés parfois à la scie électrique tellement ils sont énormes, la lumière est magique.
A 7h du mat, on s'arrète dans un des restaurants qui entourent le marché, nous voilà à déguster un délicieux autour d'un thé vert brûlant...

Tokyo c'est aussi les fils électriques qui rythment la ville et lui donne un réel dynamisme architectural,une très forte identité. Et vraiment, j'adore leur présence.


Mais c'est aussi le Karaokééé...qu'on a bien sûr expérimenté! (Des Spice Girls à Abba, c'était mémorable...:))...mais également les quartiers trendy remplis de fripes qui regorgent de trésors, les japonais ne raffolant pas trop du "second-hand". Vous pensez que ça m'a plu! On s'y est tous mis d'ailleurs... :)


Tokyo m'a vraiment conquise. J'y ai trouvé un héritage, un souffle culturel, qui me manquait à Singapour...bien que sa résonnance soit peut-être excessive. C'est un autre visage de l'Asie.
Qui sait, j'y reviendrai peut-être pour un stage ou autre...je sens qu'on sera amené à se revoir!

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