Discussion dans une voiture singapourienne

Clac, Clac. Les portes de la voiture se ferment avec un vif empressement. Il pleut...vous me direz on a l'habitude a Singapour, et bien en réalité pas tant que ca: la pluie qui ruisselle sur nos vitres est différente de la petite pluie passagère que je connais bien.
On dirait qu'il va y avoir un déluge...Voilà, on rentre dans la saison des pluies.


Khon est un ami photographe (entre autres des shootings auxquels j'ai assiste) à qui je devais donner un cours de français. Il est arrive comme une fleur au rendez-vous puis ni une ni deux, me boit mon cafe Starbucks et me dit qu'En fait il a sa roommate qui nous attend dans sa voiture pour aller à l'ouverture d'un centre culturel bresilien au milieu de nulle part. Ca, c'est moi qui le rajoute, parce que c'était effectivement au milieu de nulle part. Oui parce qu'en fait, ba jlai suivi. Ca ressemblait plus a une kermesse pour expats au milieu des champs qu'autre chose mais tout le monde tappait des mains et était heureux...et surtout y avait de la super viande brésilienne (et accessoirement des coeurs de poulets qui ont fait le regal de mes camarades..."hehe no thanks").
N'oublions pas qu'il est 17h, et qu'a Singapour, on mange à n'importe qu'elle heure.

Le déluge commence, et c'est pas tout ça mais Khon et moi avons nos sorties respectives ce soir, et il faut se préparer- (Ba oui, EN PLUS c'était le jour d'Halloween; et la, je ne vous dirais pas que je ne me suis pas deguisée).

Dans la voiture, les phrases s'enchaînent. Il me demande comment se passe le boulot. Je lui dis que "bien, mais que quelquefois, c'est pas évident, les différences culturelles, tout ça".

Il comprend, il a eu une petite copine française il y a quelques temps, et les différences culturelles ont pu causer quelques tensions, parfois.

Et ces différences se regroupent principalement autour du dialogue et de ce qui le fonde.

"Les singapouriens n'aiment pas la confrontation. Ils ne diront jamais "non". Il faut que tu apprennes qu'ici, un ""of course, of course..." un "Of course", c'est différent."me dit-il.

"Pour les singapouriens, tout est une question d'image. On ne te dira jamais qu'on est faché avec toi, mais on tentera de te le faire comprendre par des petites choses subtiles."

Il me raconte qu'il était comme ça avec sa copine et que ça la rendait dingue. "Parfois lorsque ses remarques étaient trop directes, je me sentais terriblement offensé." - Une offense qui dépassait les mots et provenait davantage de l'attitude en elle-même.

En même temps, je lui raconte que des remarques abruptes, j'en ai connu certaines, en particulier avec l'épisode des questions à Anne-chou. Il me dit que c'est une autre chose à savoir: les singapouriens n'aiment pas les questions. Ils se sentent offensés, pour eux c'est pas naturel. Ils ont l'impression que tu as une idee derrière la tête, un intérêt quelconque. (En parlant de ça, c'est drôle aujourd'hui au déjeuner, M.g raconte que lorsqu'elle était en Australie, un inconnu en passant lui a dit "have a good day" en lui faisant un signe de la main. Elle a trouve ça trop étrange et lui a demandé s'ils se connaissaient. "Il etait bourré??" demande Jouphaud... :) )

Dire "bonjour"/"au revoir", ce n'est pas naturel si on ne connait pas la personne et si on ne sait pas ce qu'elle vous veut. Il me dit qu'en France, certaines fois, les gens sont pareils. Il n'a pas tord. Lorsque je lui dis que souvent j'ai l'impression qu'au départ, les gens font des efforts pour être sympas et puis qu'ensuite ils s'en foutent, il me dit qu'encore une fois, il a vécu la même sensation en France: sa copine avait beau dire à son père "speak in English" quand il était présent lors de la conversation; deux minutes plus tard, il retournait au français...ce qui ne m'étonne pas :)

Je lui demande si lorsqu'il a été dans sa famille à Grenoble le temps d'un Noel, il a été choqué par certaines choses. "Au diner, il y a une frénesie d'argumentation...Tout le monde veut convaincre tout le monde de la justesse de leurs arguments. La vigueur avec laquelle ils voulaient défendre leurs convictions m'a vraiment choqué. C'était "du sérieux", rajoute-il.

"A la maison, si quelque chose ne va pas, on ne le dira pas. Ce sera mis sous le tapis". Et il est habitué au jeu des devinettes. "Lorsque mon père ne me parle pas, je sui obligé de me poser toutes les questions du monde. De toute façon, il ne me dira jamais pourquoi."

Je lui demande ce qu'il préfère comme type de relation, il me dit: "L'une n'est pas mieux que l'autre. C'est une question de culture; même si ça ne tenait qu'à lui, il préferait le direct".

Je lui dis que nous en France, on assume plus facilement nos opinions en famille...enfin, moi je le vis comme ça...:) et je pense que "respect" et "confrontation" sont conciliables; mais je comprends.

Je lui demande si d'autres choses l'ont choqué en France. Il rit. Il n'a jamais compris le principe des marches, le père de sa copine était fana des marches dans la foret. "Marcher pour marcher?!!" me dit-il. Il l'a accompagné à une marche de 3h ou il lui montrait "son territoire, sa terre"; et me dit n'avoir jamais autant senti ses jambes!!!


Lui aussi il s'est senti étranger en France, tout comme il m'arrive parfois de me sentir étrangère à Singapour. Française à Singapour, Singapourien en France: c'est du pareil au même et j'ai compris qu'ou qu'on soit, ça fait partie du jeu.

"En tout cas, c'est une incroyable expérience pour toi; il faut tout accepter, tout prendre", me dit-il.
Et je sais combien il a raison.